Répondant à l’invitation de Maurice Rollinat, transmise par le journaliste Gustave Geffroy, Claude Monet, le maître de l’impressionnisme,  séjourne à Fresselines du 6 mars au 19 mai 1889, où il se confrontera à la nature sauvage de landes et de falaises et à une météo hostile :

” J’ai environ quatorze toiles en train ; ça marche, mais bien piano et avec beaucoup de mal, plus je vais, plus c’est ainsi, je croyais faire ce pays du premier coup. Ah ! bien oui, c’est d’un difficile inouï”.
Lettre à Alice Hoschedé, Fresselines, 18 mars 1889.

 

Il revient à différentes heures de la journée sur le même motif, le confluent des deux Creuse, nommé “les Eaux Semblantes” dont il peignit dix toiles sur les vingt-quatre réalisées à Fresselines.

C’est un processus déjà en germe dans les quelques toiles peintes à Belle-Ile (1885) ou à la Gare Saint-Lazare (1877). Mais si là, il peint plusieurs fois le même sujet, il en change les points de vue et le  cadrage. Au confluent des deux Creuse, il systématise sciemment le procédé, captant les variations de la lumière  tout au long de la journée sur un même sujet, avec un cadrage identique.

Il qualifie lui-même cet ensemble de série, qui pourtant ne lui convient guère ; de plus par manque de temps, il doit  renoncer à aller peindre à Crozant :
“Donc avec ce sacré temps par trop sinistre alors, on avance lentement et je suis terrifié en regardant mes toiles de les voir si sombres ; avec cela plusieurs sont sans aucun ciel. Ca va être une série lugubre. […] enfin je vis dans des transes continuelles, et il faudra me considérer bien heureux si je puis mener à bien le quart des toiles commencées, car j’ai absolument renoncé à Crozant malgré tous mes regrets ; ce sera pour une autre fois “.
Lettre à Alice Hoschedé, Fresselines, 4 avril 1889.

 

En juillet 1889, à l’occasion de l’Exposition universelle de Paris, la Galerie Georges Petit présente des sculptures de Rodin et cent quarante-cinq peintures de Monet,  rétrospective de vingt-cinq ans de travail, de 1864 à 1889, incluant une sélection de quatorze toiles récentes de la Creuse.
C’est un grand succès pour Monet et les journalistes utilisent pour la 1ere fois le terme de série.
“Trente-six sculptures de Rodin répondent à cent quarante-cinq peintures de Monet. Ses toutes dernières toiles réalisées dans la Creuse, dont quatorze sont accrochées, renouvellent complètement sa manière de peindre : c’est la première fois qu’il présente une série de la même vue à différentes heures de la journée”.
Article paru dans Le Figaro, 22 juin 1889. (Claude Monet – Auguste Rodin, Centenaire de l’exposition de 1889, Musée Rodin, Paris 1989).

L’oeuvre fresselinoise de Claude Monet est aujourd’hui dispersée à travers le monde, dans des collections privées ou publiques.
Quatre tableaux sont visibles dans des musées français : Marmottan, à Paris, Unterlinden à Colmar et au musée des Beaux-Arts de Reims.

Claude Monet à Fresselines -1889.
Plan de situation exécuté par le peintre Gaston Thiéry -02-02-98.
© Mairie de Fresselines

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Monet continue à inspirer les artistes venus s’installer à Fresselines. Peintres ou écrivains, mettent leurs pas dans ceux du maître, chacun avec sa propre sensibilité. Leurs œuvres enrichissent ainsi les connaissances sur l’oeuvre picturale creusoise du peintre et nous dévoilent autant l’homme que l’artiste.  

Deux figures  marquent tout particulièrement le paysage artistique fresselinois par leurs œuvres dans cette proximité avec Claude Monet.

Agnès Dortu, artiste peintre normande, ancienne élève de l’école de Rouen et du peintre Albert Malet, se présente volontiers comme “peintre généraliste de campagne” et une adepte de la peinture impressionniste qu’elle côtoie depuis longtemps en Normandie ” Berceau de l’impressionnisme”.
Elle s’installe à Fresselines, avec son conjoint, en 2015,  et ouvre un atelier « La Station des Artistes » dans un ancien garage en plein coeur du village. Dès lors, enthousiasmée par la beauté sauvage des paysages de la région, là où, comme elle aime le dire, ” chaque cailloux a une histoire à raconter“, on la voit planter son chevalet dans la campagne environnante. ” Qu’importe si le paysage a été peint de nombreuses fois et de multiples façons par d’illustres prédécesseurs, c’est toujours son propre regard que l’on pose sur la toile et l’on doit y imposer sa propre personnalité “. Elle s’est donné pour mission de disséquer les roches, les eaux, les arbres de ce paysage minéral et végétal. Ici, le moulin de Vervy, le confluent des deux Creuse, la Petite Creuse sont des sujets d’inspiration très forts et porteurs d’émotions : “C’est toujours émouvant pour moi de savoir que je peins dans les pas de Monet mais dès que j’entre en contact avec ma toile, je me retrouve seule et c’est à moi seule qu’il incombe de la mener à bien !”

En 2019, elle suggère à la communauté fresselinoise de fêter les 130 ans de la venue de Monet à Fresselines. S’en suit une série d’événements commémoratifs, tel un mémorable « déjeuner sur l’herbe » et une exposition, dans son atelier ” De vous à moi, monsieur Monet “où elle expose de nombreuses toiles, pastels et dessins, fruit d’un travail assidu, exécuté pendant plusieurs mois dans les pas de Monet à Belle-Ile-en-Mer, Etretat, Pourville-sur-Mer, Varengeville-sur-Mer, Vétheuil, Giverny et bien sûr Fresselines.

L’exposition eut ensuite une vie « hors les murs » en Normandie.

Aujourd’hui encore, elle travaille à l’élaboration d’un carnet de voyage dans les pas de Monet, à venir.

Elle dû quitter Fresselines, à regret, en 2020, pour regagner sa Normandie natale où elle continue de vanter les caractéristiques de la vallée des peintres de la Creuse.

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Ce sont les mots qui animent Christine Guillebaud, écrivaine et poétesse, qui depuis son arrivée à Fresselines en 2013, a ouvert la galerie-boutique L’œil & la main, espace dédié aux arts et à l’édition régionale historique, artistique et poétique, parmi lesquels ses propres ouvrages. Elle y propose une belle programmation, expositions, conférences, lectures, ateliers d’écriture.. . «complément indispensable à la valorisation du patrimoine », selon elle.

A l’occasion des 150 ans de la naissance de l’impressionnisme en 1874, Christine Guillebaud, passionnée par le processus de série, a  organisé différents évènements à la galerie L’œil & la main, conférences, expositions, et a écrit deux ouvrages sur la « campagne de peinture», comme il la nomme lui-même, du maître de l’impressionnisme à Fresselines.


A partir de faits historiques extraits de plusieurs bases biographiques, de sa correspondance avec sa compagne Alice Hoschedé, mais aussi Berthe Morisot, Gustave Geffroy et Auguste Rodin, l’autrice se met dans les pas de Claude Monet, pour retranscrire son ressenti, ses doutes artistiques mais aussi la chaleureuse ambiance régnant dans la communauté artistique fresselinoise.

 

D’une part, un portfolio « DIALOGUE D’OUTRE-TEMPS, entre Claude MONET et Christine GUILLEBAUD».
C’est un livre d’artistes, où les mots trouvent une résonance dans les images, tout en couleur, de l’architecte plasticienne Catherine Autissier, imprégnée à son tour des paysages et de la démarche sérielle de Monet. Choisissant une approche intimiste, l’autrice a voulu « transformer le séjour de l’impressionniste en récit littéraire, en appui de la base historique, apporter un angle de vue de poète à ce qui fut un combat pictural », poursuivant un dialogue imaginaire mais réaliste avec Monet.

Les illustrations sont de réels tableaux qui forment le socle de l’exposition « Monet en Creuse/Digressions » présentée à la galerie L’oeil & la main, puis itinérante.

D’autre part un livre, complémentaire, « CLAUDE MONET,  en Creuse, campagne de peinture à Fresselines – 1889 ».
Toujours sur une base historique, on y retrouve des extraits de lettres de l’artiste à ses proches et des  témoignages de la réception de sa production creusoise auprès des journalistes, apportant un éclairage complémentaire à ce travail d’écriture, très documenté.

Ces ouvrages nous éclairent, avec des textes souvent inédits, sur ce  court séjour de création, ardu mais fécond, où Claude Monet renouvellera, au confluent des deux Creuse, sa manière de peindre et présentera ses séries, processus qu’il systématisera par la suite.

 

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Pour aller plus loin
Claude Monet à Fresselines, Jean-Claude DUGENEST, éd.  Mairie de Fresselines, 2000.
Claude Monet à Fresselines de mars à mai 1889, Christophe RAMEIX, Jean-Claude DUGENEST, Pierre VEYSSEIX, éd. Espace Monet Rollinat.

Monet et les lumières impressionnistes de la Creuse,
Maud BRUNAUD, Mémoires de la Société des Sciences Naturelles et Archéologiques de la Creuse, LII, 2006, p. 281-295.

Dialogue d’outre-temps, entre Claude Monet et Christine Guillebaud, Christine GUILLEBAUD & Catherine AUTISSIER, Lancosme Editeur, 2023.

Claude Monet en Creuse, campagne de peinture à Fresselines – 1889, Christine GUILLEBAUD, Editions du Vergne, 2024.